Mythologie : à la rencontre de Ganesha

Quoi que l’on commence en Inde, que ce soit un voyage, un projet, un livre, un nouveau travail, la construction d’une maison, ici un article, il convient toujours et AVANT TOUT, de s’adresser à Gaṇeśa. C’est pourquoi je suis tellement ravie ENFIN, en cette rentrée, de pouvoir faire coïncider le départ de l’année yoga avec le 1er jour de Gaṇeśa Caturthī, le festival qui marque l’arrivée sur terre ou la naissance supposée du Dieu indien. Il y a des années que cela n’était pas arrivé, Gaṇeśa Caturthī « tombant », selon le calendrier luni-solaire au quatrième jour (catur = 4) suivant la nouvelle lune du mois de Bhadra, c’est-à-dire habituellement plutôt pour nous fin août / début septembre, bref trop tôt pour notre rentrée… Mais, cette année nous avions in-extremis, une (2ème !) super pleine lune en août, le 31, ce qui donna une nouvelle lune mi septembre, et c’est ainsi que la Caturthī attendît notre reprise, quatre jours plus tard… 🌒

Oh, vous visualisez déjà Gaṇeśa… Certainement le plus connu des dieux indiens en Occident… Et peut-être le plus aimé en Inde… L’affectionné dieu éléphant ! Aussi je voudrais juste ici rappeler COMMENT Gaṇeśa hérita de sa tête de pachyderme, car, oh que non, cette grosse caboche, il ne l’a pas toujours eue… et par la même occasion dire aussi pourquoi il convient de l’honorer avant tous les autres dieux. L’histoire est assez épique!

OM GAM GANAPATAYE NAMAH : « je m’incline devant le Seigneur Ganesha »,
un mantra qui peut être récité 108 fois à l’aide de votre mālā

Comment Ganesha écopa de sa tête d’éléphant

Gaṇeśa (Ganesh, Gaṇapati), est le fils de Pārvatī, la déesse de la montagne, épouse du dieu Shiva (Śiva). En l’absence de son mari, parti méditer depuis looooooongtemps sur les sommets himalayens, Pārvatī décide de prendre un bain. Et, pour être tranquille, demande d’abord à Nandin, le fidèle taureau de Śiva, de lui garder la porte. Arrive Śiva (!), et Nandin, malgré toutes ses promesses de n’ouvrir à personne et ce sous aucun prétexte, reconnaissant le dieu suprême, instantanément court à la rencontre de son maître, laissant son poste.

La fois suivante, lorsque Pārvatī souhaite à nouveau prendre son bain, elle décide qu’on n’est finalement jamais mieux servi que par soi-même, et – vous savez, c’est une déesse, elle a des possibilités que nous n’avons pas – choisit de se façonner un fils. Ainsi naquit Gaṇeśa (bien que je ne sache pas s’il s’appelait déjà de la sorte…), un jeune et beau garçon, fils d’une déesse, crée à partir de ses poudres, onguents, safran, émulsions d’huile, voire desquamations de sa propre peau, les versions varient. Eeeeeet Pārvatī demande donc à son fils, de lui garder la porte, de n’ouvrir à personne, et ce sous aucun prétexte.

Vous le devinez… Arrive Śiva. Quiiiiiii, n’apprécie guère se voir barrer le passage par un jeune inconnu. Il envoie donc ses serviteurs, ses soldats (les Gaṇas) pour faire céder l’importun, mais, ayant à coeur de respecter la parole donnée à sa mère, Gaṇeśa se débat, fort bien d’ailleurs, et face à l’insolente résistance du garçon (hmmmmm, Śiva commence à le trouver intéressant…), le dieu n’a d’autre choix, pour accéder à son épouse, que de trancher la tête du jeune garde-du-corps dont il ignore tout.

À la vue de son enfant décapité, vous l’imaginez, Pārvatī est. FURIEUSE. Et menace, ni plus ni moins, de détruire la création toute entière si son garçon n’est pas immédiatement ramené à la vie. Brahmā, qui est le dieu de la dîte création, ne l’entend évidemment pas de cette oreille… Śiva, étant celui de la destruction, à la rigueur, s’en formaliserait moins, si ce n’était la colère et le chagrin de son épouse… Aussi est-il convenu, que l’on remplacerait la tête tombée par celle du premier être vivant que Brahmā ou Śiva, Śiva je pense…, croiserait sur son chemin, eeeeet qui fût un éléphant. Bon, encore fallait-il que la créature regarde vers le nord, et qu’elle n’ait plus grand appétit de vivre, bref quelques considérations éthiques dans tout ça, mais voilà… On ré-insuffla la vie dans le corps « recapité », et c’est ainsi que Gaṇeśa écopa de sa tête d’éléphant.

Oh ! il n’a pas perdu au change si vous voulez mon avis :

  • Éééééénorme tête, en signe de sagesse et d’intelligence (qui à l’évidence n’est pas celle, toute intellectuelle, du mental humain, mais bien plus que ça…)
  • Immenses oreilles, de celui qui écoute plus qu’il ne parle
  • Touuuuuuus petits yeux, pour symboliser l’intériorisation, le retrait des sens vers l’intérieur et le désintérêt pour les choses du monde matériel.
  • Une trompe à tout faire, symbole d’unité, qui confère force et adaptabilité. Et qui suggère la forme de l’Oṃ, le son primordial émanant de l’univers à sa création. Le tout début encore…
  • Et un ventre rebondi (ça, c’est peut-être le temps qui le lui donna…), qui montre (et confère à ses adorateurs) une capacité à « digérer la vie », quoi qu’elle mette dans leur assiette ou sur leur chemin (ce qui est habituellement mon thème d’équinoxe, et en cette rentrée, on y est aussi…)

Les (autres) attributs de Ganesha

Comme tous les dieux indiens, Gaṇeśa a quatre bras. Ce qui, dans son cas, n’est pas tout à fait assez pour tenir tous ses « accessoires »… (j’ajoute une * aux plus classiques) :

  • la conque : que l’on sonne au début d’un combat ou le matin à l’ouverture des temples. Toujours cette idée de commencement…
  • le mālā ou rosaire : représentant le flux infini de la connaissance
  • la hâche* : qui tranche les attachements que nous pouvons avoir dans le monde de la pluralité
  • la corde* ou je dirais le lasso : avec lequel il (at)tire à lui ses disciples, toujours plus près de la Vérité
  • le bol de riz ou de friandises* : qui récompense l’adepte pour une vie de pratique (sādhanā), vertueuse et spirituelle
  • la mudrā Abhaya* : « n’aie pas peur », que l’on retrouve chez beaucoup d’autres déités, mais qui fait particulièrement sens ici puisque Gaṇeśa est relié au premier cakra qui gouverne la peur, l’anxiété, l’insécurité etc… De ce geste, Gaṇeśa protège ses adeptes et efface les obstacles sur leur chemin. C’est souvent la raison pour laquelle il est au sens moderne connu et A.DO.RÉ ! On l’appelle alors Vighnāntaka, celui qui triomphe de tous les obstacles.
  • sa propre défense cassée (qu’il perdit lors d’un combat), et avec laquelle il écrivit le Mahābhārata, la grande histoire de l’Inde, sous la dictée de Vyāsa.

Gaṇeśa est en effet le dieu des poètes, des écrivains, des voyageurs, des marchands (étymologiquement certainement aussi des marcheurs, des itinérants), eeeeeet le patron des voleurs !!! Bref de tous ceux qui mènent une vie semée de dangers et qu’il protège en effaçant les obstacles sous leurs pieds ou sous leur plume ☺️… Lui, l’éléphant, voyage à dos de rat… Grand corps, petit corps… Macrocosme, Microcosme. Brahman (la réalité absolue), Māyā (l’illusion). Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. À moins que cette souris (mūṣa en sanskrit, on reconnaît « mouse » en anglais…) ne soit symbole et véhicule de la connaissance, capable de s’immiscer partout, jusque dans les recoins les plus inaccessibles…

Pourquoi Ganesha est-il vénéré avant les autres dieux ?

Et bien, disons que c’était une doléance de Pārvatī… Non seulement souhaitait-elle que son fils recouvre la vie, mais elle voulait aussi, en guise de réparation, qu’on le prie en premier. Gaṇapati fût donc fait Seigneur des Gaṇas. Les Gaṇas sont à la fois les soldats de Śiva (contre lesquels le garçon combattit), et traduit-on, « les catégories de créatures ». Pour les indiens, faire révérence à chaque catégorie de créatures (des insectes aux êtres célestes) avant toute entreprise, permet de faire que nos actions sont vertueuses et non « volées ». Aussi, prier Gaṇeśa, Gaṇapati, qui les représente toutes, est-il assez économique et permet de n’en oublier aucune. C’est pourquoi nous révérons le dieu-éléphant au début de tout rituel. On le considère quelquefois comme l’égal de Brahmā, le dieu créateur, et Śiva, le « destructeur » (c’est plus « fin » que ça…) le reconnût comme son fils, Gaṇeśa le GAJA, l’éléphant en sanskrit, GA voulant dire le début, et JA, la fin. L’Oṃ, et l’Oméga. Brahmā, et Śiva.

Alors voilà… c’est une histoire que tous les enfants connaissent en Inde, et même lorsque l’on est grand, cela fait du bien d’entendre de belles histoires… Maintenant, en réalité, ce n’est pas une histoire pour les enfants… Et comme dans tout épisode mythologique, il y a un sens caché derrière tout ça… Je tâcherai de lever un peu le voile dans les cours qui viennent. Si vous ne participez pas à mes cours en salle, n’hésitez pas à prendre mes cours vidéo du mois de septembre/octobre. Sinon, je vous laisse y réfléchir…

Attention si vous avez une statue de Ganesha à la maison

Petite note finale quand même : attention, si vous avez une statue, ou une représentation quelconque de Gaṇeśa à la maison… bien entendu, ce n’est pas un simple objet de « déco », et votre « mūrti » mérite soins et attention… Mais surtout, vérifiez bien que la trompe de votre Gaṇeśa pointe vers la gauche. Oui, sa gauche à lui. Rien de « mauvais » si la trompe regarde à droite (on en trouve dans les temples), sauf que cela est idéal pour une vie monastique, paaaaaas pour une vie de couple ou de famille, une vie « dans le monde »… ce Gaṇeśa-là pourrait trancher un peu trop d’attachements à votre goût… Et ne le placez pas, de préférence, sous l’escalier, dans le garage, la buanderie, ni il va sans dire (mais c’est écrit dans les textes)… dans votre salle de bain !

Voilà… je vous souhaite une maison harmonieuse, et que la voie de vos projets soit libre, Gwenaëlle