De « l’or liquide »… C’est ce que l’on dit du Ghee en Inde, où il fait assez chaud toute l’année pour que le beurre ne solidifie pas à température ambiante… Le Ghee (ghī en hindi ou ghṛta en sanskrit), est un beurre clarifié. Un beurre pur, « sattvique », dont on a retiré toutes les toxines. C’est à la fois une substance sacrée qui sert aux oblations lors des cérémonies religieuses, et une nourriture on ne peut plus quotidienne, qui sert à cuire ou à frire, ou dont on rajoute facilement une petite noisette par-dessus son riz ou ses chapatis… Le Ghee est également une substance médicinale, particulièrement thérapeutique pour le système nerveux et digestif. Comme le lait, le miel ou l’aloé, le Ghee est souvent employé en Āyurveda en tant qu’anupāna, c’est-à-dire comme un « véhicule » qui augmente et conduit les principes actifs des plantes au plus profond des tissus. Ce véritable élixir convient aux trois doshas (tempéraments āyurvédiques, avec modération pour Kapha…), et à un éventail de régimes alimentaires on ne peut plus large (du végétarien au paléo ! en passant par le sans lactose…). Certains conseillent même d’en prendre une petite cuillerée crue après sa séance de yoga pour en augmenter les bénéfices ☺️…
Alors évidemment on trouve du Ghee tout fait (et très cher…) dans les magasins bios ou les épiceries asiatiques, mais je trouve que cela n’a rien à voir avec celui que l’on peut faire soi-même à la maison et qui est plein de Prāṇa… Et puis… faire du Ghee est un magnifique processus « alchimique » ! qui requiert notre pleine présence et peut devenir une vraie pratique spirituelle… Rester près du feu, calmer ses pensées, écumer les impuretés, laisser – comme en méditation – les toxines retomber au fond de la casserole pour ne récolter que la matière pure, « l’essence du lait » disent les indiens.
Dernièrement, j’ai profité de Bouddha Pūrṇimā, la pleine lune qui, il y a 2500 ans, accompagnait l’éveil de Bouddha, pour nous refaire un petit stock de Ghee (non, le Ghee ne se fait pas n’importe quand, ni n’importe comment…), et j’avais envie de partager ma recette (et mes astuces personnelles) avec vous… Ainsi que quelques autres vertus de cet or culinaire…
15 vertus santé du Ghee
Selon l’Āyurveda, le Ghee est la source de gras la plus appropriée à l’organisme humain. « Āyur Ghṛtam », dit-on en Inde : le Ghee, c’est la vie !
- source d’Omégas 3
- source d’acides gras saturés (qui composent une bonne moitié de nos membranes cellulaires et que l’on commence à réhabiliter aujourd’hui…) Ces bons acides gras à chaînes courtes (comme ici l’acide butyrique) ou moyennes, aident à retenir les omégas 3, protègent le foie des toxines et le système digestif des mauvaises bactéries…). Ce sont des lipides qui sont ré-utilisés immédiatement, sans besoin de bile, qui ne créent pas de dépôts, sont peu « stockés », et qui au final contribueraient moins à la prise de poids que les huiles végétales ! Le Ghee contient d’ailleurs de l’ALC (acide linéique conjugué) réputé « allié minceur »…
- concentré de vitamines A, E (anti-oxydantes), D et K (merveilleuses pour les os)
- (presque) sans lactose ni caséine (>>> lire plus bas)…
- augmente Ojas (notre vitalité et notre immunité)
- augmente Agni (améliore la digestion et l’absorption des nutriments)
- pénètre tous les tissus de l’organisme (ce qu’on appelle les 7 dhatus) pour nous nourrir complètement, jusqu’au profond de nos cellules
- lubrifie les articulations et les tissus conjonctifs (apporte plus de souplesse et bénéfique pour toutes les pathologies osseuses)
- améliore la mémoire et les fonctions cognitives
- apaise les nerfs
- anti-inflammatoire et anti-oxydant
- diminue le syndrome de l’intestin perméable et régule naturellement le transit
- comme c’est un gras pur et déshydraté, son point de fumée est très élevé (250° !!! contre 130 pour le beurre, 190 pour le tournesol, 215 pour l’huile d’olive), ce qui fait qu’on peut le cuire très chaud sans risquer de produire d’acides gras trans cancérigènes.
- se conserve « éternellement » hors du frigo… Une bénédiction dans les climats chauds !…
- a un bon petit goût « de noisette »
la recette du Ghee maison
Vous aurez besoin de :
- 500g de beurre doux, bio de préférence, provenant de vaches nourries à l’herbe plutôt qu’au grain
- une casserole à fond épais (et de couleur claire pour voir ce qui s’y passe…)
- un grand ou plusieurs petits bocaux préalablement stérilisés mais bien secs
- une passoire et/ou de la toile à beurre pour filtrer le Ghee
Voici comment faire :
Traditionnellement, les indien(nes) partent de la matière première, du lait de la vache ou de la bufflonne dont elles vont baratter la crème pour en faire du beurre. Mais nous allons partir directement du beurre…
Couper le beurre doux en morceaux et faites les fondre à feu moyen. Lorsque le beurre commence à bouillir (comme de l’eau), baisser le feu. Vous pouvez à ce stade « incorporer » une bonne intention, un petit message à votre Ghee ou lui chanter un mantra si vous en connaissez…
Progressivement, une mousse blanche se forme en surface. Certains l’écument au fur et à mesure qu’elle apparaît, d’autres arrivent à résister à cette tentation ! Quoi qu’il en soit, il ne faut jamais remuer le beurre. Le processus va durer encore une vingtaine ou une trentaine de minutes, pendant lesquelles vous continuez de rester près du feu et vous l’ajusterez si besoin… Le beurre doit continuer de chanter et de faire des bulles, sans passer par-dessus ! Une cuiller sur le rebord de la casserole permet d’éviter ça…
Tout l’art de faire du Ghee je trouve, est de savoir quand éteindre le feu… Ni trop tôt (ou vous aurez du beurre clarifié « à la française » 😳!, sans petit goût de noisette…), ni trop tard (ou les matières solides du beurre retombées au fond de la casserole vont brûler et le Ghee sera fichu…). Mon point de repère, c’est lorsque les bulles soit s’arrêtent complètement, soit deviennent très très très petites. Le Ghee s’arrête alors de « chanter », quelques fois il mousse une seconde fois. Retirez immédiatement du feu à ce stade et laisser « refroidir » quelques minutes.
Vous avez maintenant très peu de mousse sur le dessus (elle s’est évaporée), et un liquide or translucide qui laisse apercevoir un dépôt, un sédiment au fond de la casserole (ce sont le petit lait et la caséine du beurre). Votre beurre est maintenant clarifié 🙌 ! Prêt à être passé. Pour se faire, je mets toujours mon bocal dans un autre récipient (saladier par exemple), au cas où le verre se briserait à la chaleur… Le Ghee n’aime pas trop le métal, mais en même temps les passoires en plastique fondent… J’utilise donc malgré tout une passoire (parfois deux !) en inox (+ un morceau de toile à beurre, facultatif…) pour passer mon Ghee. Un entonnoir et un filtre à café semblent aussi faire l’affaire.
Le résultat est un liquide or ou ambre, pur et lumineux que l’on ne se lasse pas de regarder à la fenêtre… La racine sanskrite GHṛ veut d’ailleurs dire, briller, illuminer ou scintiller…
quelques petites astuces
- le Ghee se fait toujours idéalement le jour de la pleine lune ou au moins en lune montante… 🌕
- on le fait toujours avec du beurre doux car la cuisson va concentrer le sel et le Ghee serait immangeable! Cependant si vous aimez le beurre salé, rien ne vous empêche de rajouter une ou deux pincées de sel fin une fois le Ghee encore tiède et liquide mis en bocal. Certains lui ajoutent d’autres épices (cumin, curcuma, romarin, une feuille de curry ou de laurier pourquoi pas), pour parfumer le Ghee ou orienter ses propriétés médicinales.
- il se conserve plusieurs mois hors du frigo, de préférence à l’abri de la lumière directe et de trop d’agitation (car, comme l’argile, il « absorbe » tout ce qui est dans son environnement…). Un placard sera parfait, ainsi qu’un bocal bien étanche à l’eau et à l’air.
- à température ambiante chez nous le Ghee va durcir et se figer, et vous savez alors que vous l’avez réussi quand vous avez une texture granuleuse.
- prenez toujours le Ghee avec une petite cuiller bien sèche (si vous faisiez entrer la moindre particule d’eau dans le bocal, il rancirait… c’est d’ailleurs pourquoi il se conserve si longtemps sur l’étagère : parce qu’il a été complètement déshydraté)
- pour les intolérants au lactose : le Ghee n’en contient théoriquement plus, néanmoins, je sais d’expérience qu’il n’est pas toujours bien accepté dès le départ… Je pense que c’est parce qu’il reste un aliment de nature Kapha (onctueux, gras et froid)… Pour s’y (ré-)habituer, il vaut mieux le réintégrer très progressivement à doses homéopathiques, et de commencer par du Ghee cuit (réchauffé) plutôt que cru (rajouté sur un plat)… Avec de la patience généralement cela fonctionne…
- mais de toute façon, un Ghee n’est jamais perdu… On peut toujours l’utiliser, si si, en guise de masque hydratant, de démaquillant, « d’huile » de massage, de baume à lèvres ou anti-craquelures sur les pieds. C’est aussi avec une mèche de coton imbibée Ghee que l’on fait de petites « bougies » traditionnelles appelées dīpa ou dīpikā… Au bout disons d’un an, ce sont de bons moyens de terminer ses pots…
Voilà… Je vous souhaite de réussir à changer le beurre en or, Gwenaëlle.