21 manières d’activer le nerf vague pour se dé-stresser

On connaissait déjà (du moins d’expression…) le « nerf de la guerre »… Mais celui-ci, bien réel, anatomique, dont je vous parle dans cet article et mes dernières séances, on pourrait tout aussi bien l’appeler, en miroir, « le nerf de la paix », ou pourquoi pas d’un nom qui m’est cher par ici : le « shānti nerve »… De noms, il en a porté plusieurs : nerf pneumogastrique, nerf parasympathique, nerf cardiaque, nerf de la compassion ! Mais celui qu’on lui retient plutôt aujourd’hui, depuis les travaux du professeur de psychiatrie américain Stephen Porges dans les 90’s, c’est celui de nerf vague… Du latin vaga qui veut dire errer, vagabonder, le nerf vague parcourt un vaste territoire dans le corps humain, et si je voulais résumer en une phrase ce qu’est ce nerf (ou ce réseau de nerfs), je dirais qu’il est le lien entre nos trois cerveaux : notre cerveau « cérébral », notre coeur et notre intestin. Et qu’il joue un rôle primordial dans notre capacité à nous relaxer et à nous régénérer.

menton vers le sternum en variante de viparīta karaṇī mudrā

Petit rappel sur le système nerveux :

Notre système nerveux est une grande partie de ce que nous sommes (physiquement). C’est à travers lui et à travers lui seulement que nous pouvons sentir… quoi que ce soit… la sensation de l’air qui entre dans nos narines… la réconfortante chaleur d’un mug de thé tenu entre nos mains… l’odeur de l’herbe coupée… la caresse du vent sur notre visage… Bref, c’est à travers lui que nous pouvons faire l’expérience sensorielle du monde… et sans ce système extrêmement ingénieux et développé, notre expérience ne serait pas aussi « complète »… nous ne pourrions être pleinement, intensément présent, comme le yoga nous propose de l’être, à chaque instant de la vie.

Anatomiquement, notre système nerveux est disons une succession de divisions en deux branches… il est d’abord divisé en système nerveux central (le cerveau et la moëlle épinière) et système nerveux périphérique (les nerfs et les ganglions). Ce système nerveux périphérique est à son tour divisé en système nerveux somatique ou volontaire (dédié aux mouvements) et système nerveux involontaire ou autonome (tout ce qui se fait tout seul dans le corps). Eeeeeet, le système nerveux autonome est encore une fois divisé en système nerveux sympathique (car il est là pour nous sauver la vie ☺️!) et para-sympathique (c’est le « para » de parachute ou de parapluie, qui contient une notion de protection). Pour simplifier disons que le sympathique est un système d’alerte, un accélérateur, générateur de nos réactions de stress (il faut se battre ou battre en retraite) et que le para-sympathique est un frein, un mécanisme de retour au calme et à l’apaisement. Un système de résilience. Ou, pour simplifier à l’extrême, le sympathique serait le bouton ON, et le para-sympathique le OFF !

« Le but du système nerveux est d’organiser le chaos. »

_ Stephen H. Wolinsky

À notre époque moderne, et particulièrement en cette période d’épidémie et d’incertitude, beaucoup d’entre-nous vivent en mode sympathique, les « sirènes » constamment activées…., ce qui génère une grande tension intérieure (hello stress chronique !), et peut à la longue faire le lit de l’hyper-vigilance, de l’angoisse, de l’anxiété, de la dépression, de diverses addictions ou d’autres troubles chroniques plus importants encore… Comme j’aime à le dire, « le sympathique, en mode survie, c’est bien; en mode de vie, beaucoup moins »… Et c’est déjà ce que l’on voit dans les dernières études sur la santé mentale des français qui se dégrade… Aussi, pour notre santé et notre bien-être, il nous faut absolument apprendre à réguler nos systèmes nerveux. À repasser régulièrement dans ce système para-sympathique, de régulation et de régénération, que j’appelle parfois système « gère et digère » 🙂 et qui est quasiment synonyme de nerf vague ! Ou dit autrement, le nerf vague, qui compose à lui tout seul 80% du système nerveux para-sympathique, est la clé de notre sérénité et de notre santé.

Qu’est-ce que le nerf vague ?

Techniquement, le nerf vague est le 10ème nerf crânien (nous en avons 12) et le nerf le plus long du corps. Il émerge de la base de notre cerveau, de ce qu’on appelle le « tronc cérébral », où il est directement connecté à notre cerveau limbique, et depuis ce cerveau « émotionnel », descend verticalement dans la gorge (hmmmm… vous avez déjà eu cette sensation d’un « noeud » à cet endroit ?) où il se divise en différents rameaux vers les oreilles (il sensibilise la peau derrière les oreilles !), les cordes vocales, les muscles du visage… Depuis la gorge, sa branche ventrale vient innerver le coeur et les poumons (au sein du système parasympathique, il est la principale innervation du coeur et l’on entrevoit déjà combien la respiration sera importante pour « parler » à son nerf vague…) et sa branche dite dorsale, plus ancienne, commune à tous les animaux même les poissons !, innerve elle toutes les régions digestives : l’estomac, le foie, la rate, le pancréas, les intestins (le gros et le grêle) et même les organes reproducteurs dans le petit bassin. Oui, un long voyage que celui du vague… Petite particularité : 80% de ses fibres sont dites afférentes, c’est-à-dire qu’elles remontent l’information (l’influx nerveux) depuis les organes VERS le cerveau (la sensation de satiété par exemple, mais l’inflammation également peut remonter de l’intestin au cerveau !). Ainsi que se sentent nos organes, ainsi nous sentons-nous dans notre être ou dans notre « peau »…

« Il y a toute une série d’événements bioélectriques et biochimiques dont le nerf vague est responsable, et tout cela est quasiment impossible à cartographier. »

_ Tiffany Field (director of the Touch Research Institute at the University of Miami School of Medicine)

Lorsqu’il est stimulé, le nerf vague produit notamment l’acétylcholine (ACh), un neurotransmetteur qui ralentit le rythme cardiaque (on est plus calme), augmente les sécrétions gastriques (on digère mieux), et le péristaltisme intestinal (on élimine mieux), diminue la libération de glucose par le foie (la glycémie est meilleure), améliore le sommeil, réduit l’inflammation (le stress nourrit l’inflammation qui nourrit la dépression qui nourrit l’inflammation…), reconstitue nos réserves d’énergie (aaaaah Prāṇa !)… Bref, on se régénère et l’on se protège, car il est à noter aussi que le nerf vague a une action (positive évidemment) sur notre immunité.

Comment activer le nerf vague ?

Alors, comment est-ce qu’on « parle » à ce nerf autonome (qui ne répond pas aux injonctions de notre volonté), c’est la question… Au vu de tous les bienfaits d’un bon tonus vagal, et notamment de son action sur l’inflammation (un dénominateur commun à toutes les maladies auto-immunes), on arrive aujourd’hui à stimuler médicalement le nerf vague par impulsions électriques, dans des maladies où les patients ne répondent pas, ou pas bien, aux traitements classiques (ce sont les travaux du neurochirurgien Kevin Tracey). Cette neuro-stimulation semble donner d’encourageants résultats en cas de dépression, arthrite rhumatoïde, maladie de Crohn ou d’Alzheimer, diabète, hypertension, épilepsie, fibromyalgie, syndrome du côlon irritable, douleurs chroniques, migraines etc… Maintenant, sans parler de ces maladies (plus ou moins) graves qui nécessitent une prise en charge médicale, il existe des moyens absolument naturels, sans prise de substance, et souvent « yoguiques » d’activer notre nerf vague pour se dé-stresser et se « désinflammer ». Certains sont d’ailleurs assez amusants et inattendus. En voici une petite liste de 21 :

  • adopter une bonne posture, le dos étiré et non tassé
  • respirer consciemment, sentir l’air entrer/sortir par les narines (le nerf vague sensibilise les muqueuses du nez)
  • respirer une main sur le ventre, une main sur le coeur
  • respirer en cohérence cardiaque (ou comme dit le yoga, en sama vṛtti) : inspire et expire ont même durée (généralement 5 secondes)
  • allonger l’expiration (expirer plus longtemps que l’on inspire). On peut par exemple imaginer que l’on souffle par une paille.
  • Ujjāya (ou Ujjāyī), la respiration qui « ronfle », vibre, dans la gorge, et toutes les postures « menton vers le sternum » qui l’induisent naturellement comme le demi-pont (le nerf vague innerve le voile du palais ou palais mou qui se relève dans cette respiration)
  • Bhramarī, la respiration de l’abeille (ou comme on dit en musique « faire le bourdon »)
  • réciter le mantra OM (si vous y avez été initié.e) ou AMEN, ou tout simplement chanter (le nerf vague contrôle en partie le larynx et donc indirectement la phonation)
  • s’asperger le visage d’eau froide (surtout la moitié haute du visage, le front, les yeux, les tempes), ce qui déclenche ce qu’on appelle le réflexe d’immersion qui veut qu’au contact de l’eau froide (<20°) le rythme cardiaque diminue pour économiser l’oxygène. Au passage, je n’ai jamais vu les indiennes faire autrement pour se laver le visage… Et c’est le même principe pour les trois prochaines astuces…
  • mettre une poche de froid (ou un gant humide) sur la moitié droite de son cou (le nerf vague, comme tous les nerfs crâniens, est en réalité double et il est plus près de la peau dans le cou à droite, mais ça marche aussi à gauche…) À défaut d’eau, simplement masser le cou…
  • les douches froides (si vous les supportez…) et j’imagine que les bains dérivatifs doivent avoir le même effet (mais je n’ai pas confirmation)…
  • sentir sa langue reposer dans une petite « piscine » de salive ! (le nerf vague active les glandes salivaires pour favoriser une meilleure digestion)
  • faire un gargarisme (bruyant ! bouillonnant !)
  • les postures d’ouverture du coeur comme le poisson (ou les inversions douces, coeur au-dessus de la tête)
  • Shavāsana, la posture allongée sur le dos (induit automatiquement une réponse de relaxation)
  • Chin mudrā, pouce et index ensemble
  • les mouvements de cou (attention, je ne conseille jamais de laisser la tête partir vers l’arrière)
  • les mouvements d’yeux, que l’on peut inclure dans les demie-lunes ou les torsions en venant regarder à côté de la ligne centrale (hors du tapis, on peut aussi passer un mug d’une main à l’autre et suivre du regard)
  • rire, bailler, sourire (y compris dans ses muscles !), soupirer, mâcher, avaler une gorgée de salive… et relaxer les traits du visage, notamment le contour des yeux et de la bouche
  • prendre des probiotiques (prendre soin de sa flore intestinale en général ou de son agni, de son « feu digestif » en Āyurveda, ce qui passe parfois par le jeûne, en tous cas ne pas grignoter, souvenez-vous : « gère et digère »…)
  • ressentir de la gratitude et/ou de la compassion (l’activité du nerf vague est à son plus haut lorsque nous ressentons ces émotions, et c’est de loin ma méthode préférée !)

Voilà… je vous souhaite de bien para-sympathiques moments de paix, Gwenaëlle.