Ce lundi de Pâques était aussi cette année pour les yogis (2024), Patañjali Jayantī, « l’anniversaire » du grand sage Patañjali, l’auteur des Yoga Sūtras (ou Sūtrāṇi de leur vrai pluriel…) L’occasion pour moi de rappeler en cours ce qu’est l’essence du yoga… et de redire ici peut-être aussi QUI est Patañjali…
Je mets anniversaire entre guillemets car, selon le calendrier védique, luni-solaire, les « anniversaires » ne tombent jamais chaque année à la même date, et que, dans le cas de Patañjali, on ne sait déjà pas exactement, au siècle près !, quand il s’incarne – selon les sources, on parle d’entre moins et plus 300 avant/après Jésus-Christ, alors quant à dire le jour et l’heure… ☺️ !!!!!
Patañjali, le père du yoga « contemporain »…
On dit quelquefois de Patañjali qu’il est le père du yoga, mais lorsque Patañjali arrive sur terre, disons « autour de Jésus-Christ », le yoga existe déjà depuis bien longtemps. Le yoga existe je dirais « de toute éternité », mais pour préciser un peu, nous pouvons remonter à ce qu’on appelle « le sceau de Paśupati », qui est un morceau de stéatite (pierre à savon), gravé à l’effigie (pense-t-on…) du dieu Shiva (quoique ce personnage me fasse aussi beaucoup penser au celte Cernunnos sur le chaudron de Gundestrup, mais bref…). Le « premier des yogis » (Śiva) y est assis en posture accroupie de Mūlabandhāsana et entouré d’un cheptel d’animaux sauvages (Paśupati veut dire « le maître du bétail » et c’est l’un des nombreux noms de Śiva). Ce sceau (en réalité il y en a deux, numérotés pièces 420 et 222, vous les voyez là…), retrouvé à Mohenjo-Daro (littéralement « le mont des morts », dans le nord-ouest de l’Inde, actuel Pakistan, berceau de la civilisation dite « de l’Indus »), est donc la première trace archéologique, tangible, attestant de la pratique du yoga (suppose-t-on), et il remonterait au 2 ou au 3ème millénaire avant J-C !!!! Moins 3000, c’est l’époque de Gilgamesh en Mésopotamie, le début des pyramides à degrés en Égypte, ou ce sont, tous proches de nous ici en Bretagne, les alignements de Carnac… Bref, ça n’est pas d’hier…
Donc entre les débuts du yoga il y a 5 ou 6000 ans (la pratique serait même antérieure à l’époque de l’Indus) et… Patañjali, la tradition du yoga, s’est transmise, oralement, de maître à disciple (« de guru à śiṣya »), de génération en génération, jusqu’à arriver jusqu’à nous, via Patañjali et ses précieux Sūtrāṇi.
Au début, il n’y eut donc (des millénaires durant…), pas de texte. Enfin il y eut, plutôt, si, vers le VIIème siècle avant J-C, les Upaniṣad. Les Upaniṣad qui emploient les premières le mot de « yoga », et nous parlent de tout ce qui unit. Les Upaniṣad qui sont des envolées poétiques absolument magnifiques 🧡 !!!… mais qui ne sont pas à proprement parler, des traités pratiques, didactiques, du yoga. Ce texte-là, cette somme-là, cette compilation de touuuuuute la connaissance qu’avait l’Inde du yoga jusque-là, c’est Mahāṛṣi Patañjali qui nous la donnera en 195 (ou 196) aphorismes. Et ce sont eux, les dits Yoga Sūtras, qui feront du yoga un (ou une, le mot est neutre en sanskrit) véritable Darśana, une philosophie classique de l’Inde, et qui feront de Patañjali le père, peut-être peut-on dire au sens laaaaarge j’en conviens mais ha ! tant qu’on reste « dans l’ère du temps »…, le père du yoga moderne ou contemporain.
Patañjali, le serpent qui devint homme
Maintenant, Patañjali (à l’instar du yoga), est en quelque-sorte lui aussi « antérieur à lui-même », puisqu’il est, dit-on, entre histoire et mythologie, l’incarnation d’Ādiśeṣa, le serpent d’éternité (on l’appelle aussi Ānanta, « celui qui n’a pas de fin ») et sur lequel le dieu Viṣṇu, le « préservateur », repose entre la création des mondes. Entre la création des mondes… Oui, pour les indiens, TOUT, absolument tout est cyclique, et les cultures, les civilisations, les mondes, sont tour à tour détruits (ré-absorbés) puuuuuuis recrées, ainsi va la vie. Encore que détruits, pas tout à fait…, car il « reste » toujours un petit quelque-chose du monde d’avant, et ce « résidu » qui sera bien-sûr l’embryon du monde à venir, EST Śeṣa (du sanskrit śiṣ, rester, demeurer), le serpent à mille têtes, flottant sur l’océan primordial et servant de « radeau » à Viṣṇu. Si vous visualisez cette houleuse posture de « Viṣṇu couché sur Ānanta » (Ānantsana, que nous avons pratiquée cette semaine ☺️), vous savez combien elle tangue parfois et qu’il est difficile de rester « sur la tranche » avec le pied en l’air !!!!
Patañjali est donc l’incarnation sur terre du cosmique Ādiśeṣa, et c’est pourquoi on le représente toujours ophidien, mi-homme, mi-serpent. Mais bien-sûr, cette représentation à base et couronnement de cobra que l’on retrouve chez de nombreuses divinités (comme la petite Nāgakanyā qui est dans ma salle 🤗📿 ou certaines représentations du Buddha), est là aussi pour nous rappeler que nous sommes là face à un être éveillé, en lequel Kuṇḍalinī, cette « énergie des profondeurs » (un titre de Lilian Silburn) est bel et bien active…
Śeṣa-Patañjali vient « au monde » à un moment où il y a certainement beaucoup de multiplicité voire de confusion en matière de yoga (la discipline est pratiquée « pré-Patañjali » depuis loooooongtemps déjà, comme on l’a vu) et où il devient nécessaire de clarifier et de synthétiser l’enseignement. C’est la mission pour laquelle Śeṣa s’incarne cette fois (il y en eût d’autres, si si…), mais pour mener à bien cette mission-là : condenser avec justesse et exhaustivité TOUT ce qui devrait à jamais RESTER et servir de BASE au yoga dans l’histoire des hommes, extraire puis écrire en quelque-sorte, la trame, le nectar du yoga…, il ne fallait pas moins que la grandeur et la sagesse d’un Patañjali. Je note juste ici quand même que le yoga de Patañjali n’est pas un yoga centré-sur-les-postures comme on le pratique aujourd’hui, d’autres auteurs, d’autres textes viendront plus tard, mais que Patañjali décrit ce qu’est foooooondamentalement le yoga, le yoga en son essence…
« Sans Patañjali il n’y aurait pas la possibilité du yoga en Inde ».
_ Bhagwan Shree Rajneesh (dit Osho)
Comment Patañjali s’incarna sur la terre
La manière dont Patañjali s’incarne n’est pas banale… Il était une yoginī, affectueusement appelée Goṇikā, « la petite vache », (un autre symbole de connaissance… je pense au serpent qui en est un également)…, et qui souhaitait ardemment avoir un fils à qui transmettre son savoir… Un jour qu’elle priait le soleil (c’est toujours le soleil, Sūrya, – Son-Sun en anglais – que l’on implore en Inde pour avoir un fils…), trempant ses mains dans l’eau de la rivière pour l’offrir au luminaire, quelle ne fût pas sa surprise, lorsque rouvrant les yeux, elle découvre, remuant au creux de ses paumes, un touuuuut petit serpent…. qui à vue d’oeil, grandit, grandit, devient garçon, jeune-homme puis un homme. Patañjali était né. Pat… Añjali
- Pat (ou pata en sanskrit) = tomber (N’en reste-il pas d’ailleurs là-aussi quelque-chose dans notre français quand on dit Patatras !!!!! 😍)
- et Añjali = la mudrā des mains jointes, paume contre paume, ou paumes en coupe, le geste de donner et de recevoir…
Patañjali, littéralement donc, « celui qui tombe au creux des mains ». Patañjali qui nous donnera, outre ses précieux Yoga Sūtras, également un commentaire de grammaire et un texte d’Āyurveda (on n’est pas là non-plus au siècle près… ou alors il faut croire que nous vivions bien plus longtemps ☺️)… afin que nous puissions, à tous les plans, œuvrer à notre transformation intérieure, à notre mue… 🐍
Voilà… je vous souhaite de toujours tomber entre de bonnes mains 🙌, Gwenaëlle